Assemblages japonais : exemples, techniques et plans

TEMPS DE LECTURE : 8 MINUTES

L’art de la menuiserie traditionnelle japonaise est longtemps resté baigné de mystère. Jusqu’au XXème siècle, ses secrets étaient transmis de génération en génération, sans aucun écrits ou plans officiels 🤫. La complexité géométrique et la précision de certains assemblages japonais est telle qu’il a fallu attendre les années 1980 et le développement des rayons X pour comprendre la structure des piliers du château d’Osaka !

Les assemblages japonais en quelques techniques et plans

Depuis, ces techniques et cette esthétique ont inspiré de nombreux maîtres d’art à travers le monde (et donné des cheveux blancs à de nombreux menuisiers professionnels et amateurs 🧑‍). Dans cet article, nous levons le voile sur ces assemblages qui nous donnent des frissons. Au menu : explications, plans, outils à utiliser, histoire… Bon appétit et bon bricolage !

Sommaire

Quelles sont les particularités des assemblages japonais ?

Les assemblages japonais en menuiserie, ébénisterie ou en charpente n’ont rien à voir avec nos techniques occidentales. Le Nejiri Arigata – le nom de cet art des assemblages japonais – a la particularité de proposer des assemblages “parfaits”, sans jonction apparente, donnant l’illusion que la structure forme une seule pièce de bois.

Sans vis, sans clous et sans colle, toutes les pièces sont simplement emboîtées entre elles. Ces techniques ont permis à de nombreux temples et maisons japonaises de traverser le temps, et même de résister aux plus forts séismes. On dénombre aujourd’hui près de 4000 possibilités d’assemblages japonais pour la construction d’édifices et de mobilier !

Et si les plans sont souvent difficiles à trouver sur internet, nous en avons déniché certains pour vous un peu plus bas. Mais avant de penser aux plans, il va falloir… vous équiper !

Quels sont les outils indispensables pour se lancer dans les assemblages japonais ?

Laissez tomber votre scie sauteuse aux lames mal affûtées, votre scie égoïne à moitié rouillée et votre crayon de papier mal taillé… Non, travailler à la nippone, c’est travailler avec finesse et précision.

La menuiserie et les assemblages japonais se passent d’outils électriques. Chaque pièce de bois est travaillée à la main, avec des outils spéciaux permettant de créer des encoches, des languettes, des tenons, des mortaises… Chaque jointure est ensuite polie pour offrir un résultat parfait. Dans les indispensables, on retrouve :

  • Les scies japonaises : les indispensables pour taille les pièces de bois. À la différence des scies occidentales, leurs lames sont très fines et coupent à la traction plutôt qu’à la poussée, pour une meilleure précision. Nous vous recommandons de prendre 5 minutes pour parcourir notre guide pratique et choisir la scie adaptée à votre besoin.
  • Les ciseaux à bois japonais : indispensables également pour de nombreux assemblages. Ils permettent d’enlever de la matière et faire des encoches ou des trous dans le bois. Il en existe dans une grande variété de formes et de tailles. Avant d’acheter un set complet chez un spécialiste, vous pouvez vous tourner vers cet ensemble de trois couteaux de 9, 15 et 24 mm de la marque Shintaro.
  • Les rabots japonais : pour la finition du bois. Leur lame permet de retirer de fines feuilles de bois afin d’obtenir un rendu parfait. Leur coût peut être assez important, et de nombreux menuisiers amateurs semblent penser qu’un rabot occidental fait amplement l’affaire. Cependant, pour le plaisir de l’art et avant d’investir quelques centaines d’euros dans cet outil, vous pouvez vous entraîner avec un mini-rabot japonais comme celui-ci.
  • Quelques outils pour mesurer et tracer vos traits de coupe avec précision. Ici, des outils occidentaux sont tout à fait suffisants. Nous vous recommandons de vous équiper d’un trusquin (comme celui-ci) pour mesurer et marquer les traits de coupe avec une extrême précision et d’un rapporteur avec règle (comme celui-ci) pour les angles.

L’étape d’après ? Trouver des modèles et plans d’assemblages japonais ! Et les plans, c’est sans doute le plus difficile à trouver.

Plans et techniques d’assemblage japonais

S’il existe des milliers d’assemblages japonais, et tout autant de techniques, la menuiserie traditionnelle Nejiri Arigata s’appuie sur environ 30 types de joints de base. Ceux-ci peuvent être utilisés pour leur aspect pratique, ou de manière décorative afin de montrer la technique de l’artiste !

Vous trouverez ci-dessous nos joints et assemblages préférés, et des liens vers des ressources complémentaires pour aller plus loin ou trouver plus de plans. Quand cela a été possible, nous avons reproduit les plans avec ou sans côtes (ou a minima, trouvé des vidéos explicatives), afin de vous aider à réaliser ces assemblages chez vous !

L’assemblage Shihou ari tsugi

Il s’agit d’un grand classique des assemblages japonais dits “impossibles”, et pourtant relativement facile à réaliser et parfait pour vous entraîner. Il est généralement utilisé pour joindre deux poteaux ensemble, ou réparer un poteau existant dont la base serait abîmée.

En bref, la technique consiste à créer des queues d’arondes classiques sur chacune des faces du premier poteau, puis à creuser une sorte de sillon diagonal qui relie les côtés adjacents.

👉 Le plan PDF

👉 Parce qu’une vidéo vaut milles plans et explications, vous pouvez retrouver le YouTube français Samuel Miamas réaliser cet assemblage en vidéo ici.

L’assemblage Hira isuka tsugi

Ce joint est généralement utilisé sur les clôtures (sur la poutre supérieure) et sur les plafonds visibles. Une goupille est parfois installée sur la face supérieure, au centre de l’assemblage, auquel cas le joint est appelé miyajima tsugi ou sumakiri isuka tsugi. 

👉 Et pour visualiser un peu mieux, je vous partage ici la vidéo d’un Youtubeur (polonais ?) qui nous partage sa technique.

L’assemblage Kanawa tsugi

C’est l’un des assemblages les plus connus de la menuiserie de l’art du Nejiri Arigata. Cette menuiserie est généralement utilisée pour assembler deux poutres entre elles, ou remplacer la base d’un poteau debout qui aurait été attaqué par les champignons ou l’humidité.

👉 Cette fois, c’est le Youtubeur Dylan Iwakuni qui nous montre sa réalisation en vidéo ici.

L’assemblage Komisen tsugi

Cet assemblage est un autre classique de la menuiserie japonaise, que l’on appelle aussi le tenon mortaise chevillé. Il est assez proche des assemblages traditionnels que l’on peut retrouver en France, avec cette petite touche nippone en plus !

👉 Et vous trouverez une vidéo du Youtube français Matthias Obrecht ici.

L’assemblage Kane Tsugi

Cet assemblage est l’un de nos préférés ! Cet assemblage, qui peut littéralement se traduire par “coin à angle droit” est particulièrement solide (et esthétique, si vous voulez notre avis).

👉 Vous pouvez retrouver une autre vidéo du Youtubeur Dylan Iwakuni ici, ou une mise en pratique avec un menuisier breton qui utilise ce joint dans la fabrication d’un meuble pour imprimante ici.

L’assemblage Naoto Kawai Tsugite

Cet assemblage est particulièrement complexe, et a la particularité de pouvoir être articulé dans plusieurs directions. À réserver aux bricoleurs et menuisiers aguerris !

👉 Et la vidéo de Dylan Iwakuni qui reconnaît lui même que cet assemblage est l’un des plus complexe qu’il ait réalisé à ce jour.

L’assemblage Osaka-jo-otemon-hikae-bashira-tsugite (connu pour être l’assemble du château d’Osaka)

Cet assemblage japonais se retrouve sur l’un des piliers du château d’Osaka. Son petit nom ? Osaka-jo-otemon-hikae-bashira-tsugite. Il se compose d’une partie mâle et d’une partie femelle, avec une montagne et une queue d’aronde.

👉 Retrouvez les plans et la technique pas à pas sur l’excellent blog de Tout en Bois.

D’autres assemblages spectaculaires

Voici d’autres assemblages – moins traditionnels, mais clairement inspiré de l’art du Nejiri Arigata – dont nous ne pouvons pas vous proposer de plans ou de vidéos, mais qui peuvent vous inspirer !

Un logiciel pour concevoir vos propres assemblages japonais

Vous avez envie d’imaginer vos propres assemblages inspirés de la menuiserie japonaise ? Et sans passer les prochaines décennies à suivre les apprentissages d’un maître japonais à longues moustaches sur l’art du Nejiri Arigata ? On vous comprend !

Heureusement pour vous, un groupe de chercheurs de l’Université de Tokyo a développé un logiciel de modélisation 3D gratuit – nommé Tsugite – qui vous guide dans la création de vos propres assemblages pour fabriquer du mobilier courant (et impressionner votre entourage). Le logiciel propose de nombreux modèles existants, et vous permet de dessiner les vôtres en vous aiguillant sur la durabilité, la solidité et la faisabilité technique de vos joints.

Vous pouvez ensuite exporter vos modèles et commencer le travail. Ou, si vous êtes équipé(e), les usiner directement avec une CNC.

Quels bois sont utilisés dans la menuiserie japonaise ?

La menuiserie et les techniques de construction de charpente japonaises utilisent une vaste gamme d’essences de bois, généralement assez légers. Chacune est soigneusement sélectionnée pour ses qualités techniques (dureté, résistance aux insectes ou à l’humidité), mais aussi pour son odeur et sa couleur.

Ainsi, la structure des meubles est généralement fabriquée en cèdre, cyprès ou pin japonais. Et les faces décoratives dans des bois plus lourds, comme l’orme, le cerisier ou encore le châtaignier. Pour les petits meubles et les boîtes, les japonais utilisent aussi du bois de paulownia. Un bois léger mais dur, à la croissance très rapide. D’ailleurs, une tradition japonaise veut que lorsqu’une petite fille naît dans une famille, on plante un paulownia qui sera ensuite coupé et utilisé plus tard, afin de lui fabriquer une commode offerte lors de ses noces.

Flash back : histoire et origines des assemblages japonais

Le Japon fourmille de savoir-faire ancestraux dans tous les domaines, transmis de maître en apprentis, et longtemps restées secrètes. L’art de la menuiserie japonaise sans clou ni vis remonterait plus de 4000 ans. Un art d’ailleurs si ancien que le temple Hôryûji, près de la ville de Nara a été édifié en 607, et remporte donc la palme de l’une des plus anciennes constructions en bois au monde.

Mais au-delà de l’impressionnant esthétisme et précision de la menuiserie traditionnelle japonaise se cache une véritable philosophie. Plusieurs écrits expliquent ainsi que le Nejiri Arigata est, avant tout, un travail et un accord passé avec la nature et ce qu’elle nous donne. Historiquement, les menuisiers et charpentiers japonais ne coupaient aucun arbre, et se contentaient d’utiliser du bois mort. Par ailleurs, ceux-ci faisaient attention à sublimer les courbures et les aspérités du bois, plutôt qu’à les plier à leurs besoins.

Le saviez-vous ? Depuis 2020, les connaissances traditionnelles liées à l’architecture du bois au Japon ont été inscrites sur la célèbre Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO. Une reconnaissance historique pour un savoir-faire qui l’est tout autant.

LES AUTEURS

Auteurs Dans Notre Atelier

Charlène & Georges
Passionnés de bricolage, mon père Georges et moi partageons ici tous nos conseils pratiques et nos projets. Prêt, feu, sciez !